En
1912, le chantier Napier & Miller de Glasgow lance un navire
commandé par la compagnie Reid destiné à la liaison des
différentes localités de Terre Neuve et aux relations avec la
Nouvelle Ecosse. Il reprend le nom de Bruce qui avait déjà été
porté par un navire de la compagnie, lancé en 1897 et qui avait été
perdu le 24 mars 1911 au large de Louisbourg (Nouvelle Ecosse). Il
mesure environ 76 mètres de long pour 11 de large.
Vendu
à la Russie en 1916 pour permettre au port d'Arkhangelsk de
conserver une activité hivernale malgré les glaces, il devient
Solovey Budimirovich.
En janvier 1920, le navire quitte le port d'Arkhangelsk, bastion des
forces « blanches », peu de temps avant que la ville
passe aux mains soviétiques. Au nombre des 85 passagers se trouvent
principalement des fonctionnaires et des officiers de l'ancien régime
qui, accompagnés de leur famille, désirent échapper au changement
de pouvoir. Mais le bateau ne peut, lui, échapper aux glaces qu'il
rencontre une fois parvenu en mer de Barents qui l'emprisonnent et
l'entraînent vers l'est. Il est nécessaire de mettre sur pieds une
opération de sauvetage pour dégager le navire et sauver ses
passagers dont les conditions de vie à bord s'altèrent tous les
jours. Bien sûr, il est nécessaire qu'un autre brise-glace
participe à cette opération. En fait, deux expéditions sont
organisées : l'une (conjointement par les occidentaux
« blancs » et les responsables soviétiques) qui utilise
le Svyatogor, alors aux mains des Britanniques (voir l'histoire de ce
bateau) et placé sous les ordres d'Otto Sverdrup, l'ancien compagnon
de Fritjof Nansen quelques vingt ans auparavant, l'autre par les
bolchéviques qui arment l'ancien bateau canadien Earl Grey devenu
IIIe Internationale, aux ordres du capitaine Mukalov. C'est une
course qui s'engage
dans la glace entre les deux équipes, la blanche et la rouge.
L'enjeu : les passagers du Malygin et leur destin. Le 19 juin, la
blanche l'emporte ; les émigrés sont transférés à bord du
Svyatogor qui regagne la Grande-Bretagne. Le Solovey
Budimirovich,
dégagé, doit rentrer à Arkhangelsk.
En
1922, on lui attribue le nom de Malygin
en hommage à Stepan Gavrilovich Malygin, officier de marine et
explorateur russe du XVIIIe siècle. En
1928, il participe à
l’expédition de sauvetage d'Umberto Nobile et de ses compagnons
après l'accident du dirigeable Italia.
Mais sa principale activité
jusqu'en 1939 sera de participer à de nombreuses campagnes
océanographiques en Arctique et de ravitailler les stations
météorologiques.
Au
cours de l'été 1931, Malygin effectue un voyage particulier, en
fait d'une croisière touristique en pleine période communiste
destinée à faire visiter par l'agence Intourist certains lieux
importants de l'archipel François Joseph. Mais certains passagers ne
sont pas là pour faire du tourisme... Plusieurs
scientifiques de haut niveau sont à bord, sous la houlette du Pr
Vize, pour mener des expériences. Il y a aussi Umberto Nobile
lui-même, qui espère retrouver des traces de son voyage manqué. De
nombreux journalistes sont également présents à bord dont
l'allemand Friedrich Sieburg et des voyageurs étrangers mais il
semble qu'aucun « touriste soviétique » n'ait été à
bord...
Entamé le 19 juillet au départ d'Arkhangelsk sous le
commandement du commandant D.T. Chertkov, le voyage sera marqué par
quelques faits saillants. Le 24 juillet, le brise-glace est à Bukhta
Tikhaya. C'est ici que Georgiy Sedov a hiverné en 1913-1914 avant de
s'aventurer vers le Pôle (qu'il n'atteindra pas, mourant peu de
temps après son départ). C'est également ici qu'Otto Schmidt a
établi une station météorologique en 1928. Ce n'est donc par
hasard que l'endroit a été choisi pour organiser depuis plusieurs
mois une rencontre entre le
brise-glace soviétique et le dirigeable allemand Graf
Zeppelin. Des morceaux de glace de plus en plus gros et de plus en
plus nombreux venant menacer le dirigeable posé sur l'eau, la
rencontre écourtée. Elle fera néanmoins la couverture du célèbre
périodique français L’Illustration en août 1931 sous le titre
« Rencontre aéromaritime dans l’arctique: le Graf Zeppelin vient
prendre le courrier du brise-glace Malygin à l’île Hooker »
et donnera lieu à l'émission de plusieurs timbres dans de nombreux
pays. Le 8 août, lors de l'escale à Ostrov Al'dzher, les
scientifiques découvriront une hutte installée par une expédition
américaine en 1902 ainsi qu'une lettre laissée par Evelyn B.
Baldwin, son commandant. Malygin
est de retour à Arkhangelsk le 20 août à l'issue d'un voyage dont
le succès sera considéré comme limité en raison, semble-t-il, de
la disparité des passagers, les désirs des scientifiques
s'accommodant mal des obligations du commandant vis à vis des
touristes. (d'après W. Barr, Département de Géographie, Université
du Saskatchewan, Canada)
En
octobre 1937, trois brise-glaces sont emprisonnés par la glace dans
la mer des Laptev. Parmi eux, outre Georgiy Sedov et Sadko, figure
Malygin. Ces deux derniers ne pourront être libérés qu'en août
1938 grâce à l'intervention de l'Ermak. Georgiy Sedov continuera à
dériver et donnera lieu à l'un des épisodes les plus
impressionnants de l'histoire arctique.
Malygin
sera perdu lors d'une tempête au large de la presqu'île du
Kamchatka le 28 octobre 1940 alors qu'il revenait d'une expédition
scientifique. Se trouvaient alors à son bord 98 personnes.
Par
la suite, un autre brise-glace soviétique portera le même nom de
Malygin. Il s'agit de l'ancien finlandais Storm transféré à la
flotte soviétique comme réparation de guerre en 1945.
Tous clichés DR
Voir le livre "Brise-glaces de la Route du Nord et de la mer Baltique" qui retrace l'histoire de tous les brise-glaces européens
Voir le livre "Navires spécialisés"
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